Dossier : Vouloir mourir au XXIe siècle : droit ou symptôme ?

L’avis 139 du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) rendu le 13 septembre dernier relance et nourrit le débat sur la fin de vie en France. En effet, après avoir proposé un référentiel socio-culturel pour « gagner et réussir » nos vies, nos sociétés post-modernes s’interrogent naturellement sur ce que devrait être une « mort réussie ». Bien qu’il paraisse impossible de la louper… Mais c’est le contexte de sa survenue, son corollaire de souffrances potentielles et la manière dont elle emporterait le vivant qui suscitent inquiétudes, débats et demandes d’évolutions sociétales en France et à travers le monde, en particulier dans les pays riches. En effet, aucun pays « pauvre » ne propose aujourd’hui à ses concitoyens de cadre législatif au décès assisté. La mort s’impose en silence et sans débat, à l’issue d’une vie forcément douloureuse.


La douleur, la dépendance, et la (perte de) dignité sont les trois écueils d’une mort subie alors qu’elle pourrait être aujourd’hui choisie, indolore et digne. Pourtant, la perte d’autonomie voit son impact varier selon les ajustements de l’écosystème pour répondre aux besoins du sujet dans lequel il évolue. Ainsi le poids de la dépendance varie en fonction du lieu où elle s’exprime. Quant à la douleur, elle s’inscrit naturellement dans le corps mais aussi la psyché, devenant plus intense avec le temps lorsqu’elle « échappe au traitement » et que la maladie avance. Provoquant le désir légitime que cela s’arrête... Mais s’agit-il de mettre fin à la douleur ou fin à la vie ? Et la dignité ? Qu’est-ce que mourir dignement si l’on n’a pas vécu (dignement) ? Quelle place pour le soin palliatif, la réanimation et l’Assistance Médicale à la Mort (AMM) dans une société dite « civilisée » qui porte son attention sur les extrêmes de la vie ? 


C’est naturellement au cours de la deuxième moitié du XXe siècle que la mort médicalisée s’est développée et enrichie dans les pays occidentaux. L’Assistance Médicale à la Mort se décline ou s’articule aujourd’hui sous différentes formes selon les pays et les législations en vigueur : euthanasie (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), suicide assisté (Suisse) ou sédation profonde (France). Les indications initiales réservées à des personnes en capacité de donner leur consentement présentant des souffrances intolérables et/ou un décès proche inéluctable se sont progressivement élargies dans certains pays aux personnes souffrants de troubles psychiatriques, aux mineurs, aux patients déments, aux personnes privées de liberté.


En France, l’évolution est lente depuis la fin de l’obstination déraisonnable en 2005 (loi Léonetti) et la sédation profonde apparue en 2016 (loi Claeys-Léonetti). L’affaire Vincent Lambert (2008-2019) a malheureusement brillamment illustrée les impasses de nos dispositifs médico-juridiques à apporter des solutions dignes, éthiques et universelles. La réflexion est en marche pour trouver l’équilibre entre devoir de solidarité et respect de l’autonomie.


Vous trouverez ici des ressources étayées pour éclairer un débat complexe, mais toujours actuel et nécessaire. 


Mathieu Lacambre

Le Dr Mathieu Lacambre est coordonnateur avec le Dr Cécile Hanon de l’ouvrage Vouloir mourir au XXIe siècle, collection Polémiques, Doin.





Nos conseils de lecture sur le sujet :


  1. Le psychiatre comme « gatekeeper » : une étude qualitative sur le rôle du psychiatre dans les demandes de suicide assisté, Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement, Volume 20, numéro 1, Mars 2022
  2. Limitation arrêt de traitement chez l’enfant : quels problèmes éthiques ?, Médecine thérapeutique / Pédiatrie, Volume 24, numéro 1, Janvier-Février-Mars 2022
  3. Directives anticipées et fin de vie : un outil à proposer et valoriser sans pour autant l’imposer, Hépato-Gastro & Oncologie Digestive, Volume 29, numéro 3, Mars 2022
  4. Qui décide pour le patient hors d’état d’exprimer sa volonté ? Communiquer en anesthésie-réanimation et médecine péri-opératoire : Aspects pratiques, éthiques et juridiques, Arnette, Mars 2022
  5. Fin de vie, "donner la mort n'est pas un soin" - Santé Mentale (santementale.fr), Santé mentale, rubrique Actualités, septembre 2022



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